L’AFPS a rencontré l’association israélienne Zochrot, de passage en France. L’occasion de mieux connaitre leurs activités.
Pouvez-vous présenter votre association, Zochrot ?
Zochrot est une ONG fondée en 2001 pour sensibiliser le public juif israélien à la Nakba. Le mot "zochrot" signifie "elles se souviennent", la forme féminine a été choisie délibérément par ses fondateurs afin de se démarquer de l’usage nationaliste et militariste classique de la mémoire israélienne généralement restituée sous forme masculine. De la même façon que Zochrot n’utilise pas la forme classique de la langue, l’organisation suggère une autre histoire, une histoire qui n’est pas l’histoire classique enseignée / dite / admise en Israël.
Zochrot compte 9 salariéEs et environ 50 volontaires (israéliens et internationaux) qui aident l’organisation dans de nombreux domaines : traduction, recherche de nouveaux matériels, lecture d’archives, organisations, vidéo / montage etc.
Zochrot organise des visites guidées de villages palestiniens qui ont été détruits lors de la Nakba, les participantEs sont, le plus souvent et quand cela est possible, guidéEs par des réfugiéEs ou des descendantEs de réfugiéEs qui connaissent bien ces lieux. Lors de ces tours, des panneaux sont apposés pour rappeler le passé palestinien de ces lieux. Jusqu’à présent, une soixantaine de tours - tous ouverts au public et gratuits - a été organisée et une centaine de panneaux ont été apposés.
En plus des recherches importantes menées, Zochrot tire ses informations des témoignages de réfugiéEs mais également, et c’est nouveau, de certains de ceux qui ont participé, en tant que combattants du Palmach ou de la Haganah (milices militaires juives clandestines qui formeront, avec l’Irgun et le Lehi, Tsahal). Ces témoignages sont rares et difficiles à obtenir mais ils sont déterminants, d’abord parce qu’il est important de faire témoigner ceux qui ont perpétré ces actes en 1948 mais aussi parce que ces témoignages permettent, par un phénomène d’identification et d’empathie, de convaincre les Israéliens de ce qui s’est passé à la fondation d’Israël. La Nakba, c’est à dire l’expulsion systématique de près de 750 000 PalestinienNEs et la destruction de près de 500 localités, n’est pas un résultat de la guerre, c’était une décision politique afin de créer un Etat juif.
Zochrot est également un centre d’information, une bibliothèque, une galerie d’art ouverts au public, l’organisation organise également de nombreuses réunions publiques et accueille des conférences et des séminaires. Plus d’une centaine de personnes participent régulièrement aux différentes activités proposées par Zochrot.
Votre travail vise donc prioritairement les Juifs israéliens ; quels sont vos liens avec les Palestiniens d’Israël, et avez-vous des contacts avec ceux des Territoires Occupés ?
Zochrot a différentes collaborations avec des organisations palestiniennes à la fois en Israël et dans les Territoires Occupés, principalement avec des organisations qui travaillent sur la Nakba ou sur la question du droit au retour des réfugiéEs. Il y a, par exemple, une longue histoire de travail commun avec l’organisation palestinienne Badil.
Deux salariés de Zochrot sont des Palestiniens d’Israël, et l’organisation prend part à de nombreuses activités communes avec ses collègues palestiniens comme la Marche du Retour, le Jour de la Nakba, les commémorations de la Nakba le jour de la Fête de l’Indépendance (cf. université), la commémoration annuelle de Deir Yassin etc.
La bataille diplomatique actuellement s’inscrit dans une vision qui est celle des frontières de 67, deux Etats pour deux peuples, tandis que vous, vous semblez ramener la question à 1948. Est-ce une volonté politique ? Si oui, quelle est la position de Zochrot par rapport aux réfugiés palestiniens ?
Zochrot soutien sans réserve le droit au retour de touTEs les réfugiéEs PalestinienNEs, ce retour ne peut, pour des raisons faciles à comprendre, s’effectuer dans la solution classique de "2 États pour 2 peuples".
Ce droit au retour des réfugiéEs palestinienNEs est considérée par Zochrot comme la condition principale à une paix juste et durable et un avenir commun. C’est en partant de ce droit au retour que la solution d’un État bi-national dans lequel touTEs ces habitantEs auraient les mêmes droits est défendue par Zochrot : en d’autres termes il s’agit de penser les modalités du vivre ensemble plutôt que de penser la séparation.
Quels sont les projets de Zochrot pour 2015 et l’avenir ?
Eitan Bronstein, le fondateur de Zochrot, a quitté l’organisation fin 2014. Il continue - bien évidement - à travailler sur ces questions, il écrit notamment un livre qui revient sur ces 13 années d’expérience. Pour les activités de Zochrot pour 2015 / avenir, voir avec la nouvelle directrice : Liat Rosenberg.
Propos recueillis par Thomas Vescovi